J'ai envie de jolies choses, et
pourtant je ne souhaite qu'un profond chagrin, un choc brutal qui me
ferait trembler de toutes parts pour pouvoir enfin respirer...
respirer parce que je serais enfin réellement malheureuse et
non pas dans ce laisser-vivre latent qui me paralyse à chaque
seconde qui passe. Pourtant, il n'y a aucune raison d'être
malheureuse mais les choses restent les mêmes.
J'ai toujours des moments de joie, mais
ma tristesse est toujours là, elle recouvre le tout et j'ai
l'impression d'être monochrome, lisse comme du papier de verre.
Il n'y a rien à la surface de ma peau, tout est tapi au fond
de moi et pourtant, souvent, je ressens une grande colère,
envers les gens, envers mes amis. J'ai du mal quand je vois E. qui
maintenant rayonne de bonheur, mais j'avais déjà du mal
à la voir avant quand elle était encore submergée
par le deuil de son amoureux... quand je la vois, je me renferme,
elle refait ressortir tout ce mal qui vit en moi et je n'arrive plus
à jouer au jeu du je-vais-bien auquel je m'adonne depuis mes
15 ans.
Pourtant, il n'y a rien de grave.
Absolument rien de grave. C'est une période de calme après
tellement de tempêtes mais j'ai tellement appris à ne
pas exprimer mes émotions, à ne pas pleurer quand mon
ex a voulu réduire mon ego à néant que j'ai
juste l'impression de flotter sur place... la technique du « ne
rien montrer » m'a protégée quand je n'avais
pas le choix, quand je ne pouvais pas être malheureuse, mais
aujourd'hui je sais que ce n'était pas la solution. Mais je
referai les mêmes erreurs exactement de la même façon,
je ne veux juste ne plus jamais me retrouver la langue déliée
et livrer tous mes sentiments, tous les problèmes de couple
que je peux avoir, le mal que me font les autres, le mal que je leur
fais. Je ne veux plus mettre mon coeur à nu, je ne me sens pas
mieux après. Je ne veux plus de cette impudeur totale qui a
régné pendant plus d'un mois de folie, je veux faire
comme mes sentiments tristes, tout garder pour moi... garder, garder
et apprendre à me taire. Comme si le silence de mes pensées
pouvait me protéger de ma tristesse.